dimanche 27 septembre 2009

Catherine de Sienne : Chapitre VI (36)



  Il y a trois condamnations du monde. La première, quand l'Esprit-Sain descendit sur les disciples. Ils furent, comme je l'ai dit, fortifiés par ma puissance, éclairés par la sagesse de mon Fils bien-aimé, et reçurent tout don dans la plénitude de l'Esprit-Saint. C'est alors que le Saint-Esprit, qui est Un avec moi et avec mon Fils, accusa le monde par la bouche des Apôtres, avec la doctrine de ma Vérité. C'est ceux, et tous ceux qui procèdent d'eux, en suivant la vérité qu'ils ont reçue par leur enseignement, qui reprennent le monde. Voilà l'accusation incessante que je porte contre le monde, par la voix de la sainte Ecriture, et par la bouche de mes serviteurs, sur la langue desquels je met l'Esprit-Saint quand ils annoncent ma Vérité, comme le démon se place sur la langue de ses serviteurs, c'est-à-dire de ceux qui s'engagent dans ce fleuve d'iniquité. Elle est douce cette accusation, que j'ai voulu continuelle, à cause du très grand amour que j'ai du salut des âmes.
  Nul ne peut dire : Je n'ai trouvé personne qui me reprenne, car à tous j'ai manifesté la Vérité ; à tous j'ai appris où est le vice. Je leur ai fait voir le fruit de la vertu, et les effets pernicieux du vice, pour leur inspirer un amour saint, une sainte crainte, l'amour de la vertu et la haine du vice. Et ce n'est pas par un ange que je leur ai enseigné cette doctrine de Vérité. Ils auraient pu dire : L'Ange est un esprit bienheureux, il ne peut pécher, il ne sent pas comme nous l'aiguillon de la chair, il n'est pas alourdi comme nous par le fardeau du corps. Non, je ne leur ai pas laissé cette excuse. Cette doctrine leur a été donnée par ma Vérité, par mon Verbe incarné dans votre chair mortelle. Qui sont donc ces autres qui ont suivi ce Verbe? Des créatures mortelles comme vous, passibles comme vous, éprouvant en elles, comme vous, la lutte de la chair contre l'esprit? C'est Paul, mon héraut, et c'est la multitude de mes saints, qui tous, pour une chose ou pour une autre, on été des passionnés.
  Les passions, je les permettais et je les permets toujours, pour l'accroissement de la grâce et le progrès de la vertu dans les âmes. Ainsi donc, les saints sont nés du péché comme vous, ils ont été nourris de la même nourriture que vous, et Moi, aujourd'hui comme alors, ne suis-je pas le même Dieu? Ma puissance n'a pas diminué et ne saurait défaillir. Toujours, je puis, je veux, je sais secourir qui fait appel à mon assistance. Alors vraiment l'homme demande mon secours, quand il se dégage des eaux du fleuve, pour prendre le chemin du pont, en suivant la doctrine de ma Vérité.
  Les hommes sont donc sans excuses, puisque mes réprimandes n'ont point de relâche et que continuellement, je leur fais voir la vérité. S'ils ne se corrigent pas pendant qu'il est temps encore, ils seront condamnés dans la seconde accusation, que je lancerai contre eux, au dernier instant de la mort, quand ma justice leur criera: Morts, levez-vous et venez au jugement! Surgite mortui, venite ad judicium.  C'est-à-dire : Toi qui es mort à la grâce et va mourir à la vie corporelle, lève-toi, viens comparaître devant le souverain Juge, avec ton injustice, avec ton faux jugement, avec la lumière éteinte de la foi, cette lumière que tu as reçue toute allumée dans le saint baptême et que tu as étouffée par le vent de l'orgueil et de la vanité du cœur. Ton cœur, tu l'as tendu comme une voile à tous les souffles contraires à ton salut! Oui, la voile de l'amour-propre, largement ouvert à tous les vents de la flatterie tu as descendu le fleuve des délices et des grandeurs du monde, t'abandonnant, bien volontairement, aux séductions de la chair fragile, aux artifices et aux pièges du démon.
  En soufflant dans la voile de ta volonté propre, le démon t'a conduit par le chemin d'en dessous, dans le torrent qui ne s'arrête plus, et il t'a entrainé avec lui dans l'éternelle damnation



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